15/04/2021
Marc-Williams Debono, L'intelligence des plantes en question, Éditions Hermann, 2020, 240 pages
Depuis une vingtaine d'années, une partie de la botanique est en pleine révolution : recherches scientifiques et livres « grand public » ont multiplié les annonces sur la « mémoire des plantes », la « communication des arbres » ou la « neurobiologie végétale ». Certains parlent de découvertes fondamentales, de révolution conceptuelle, de changement de paradigme, pendant que d'autres n'y voient qu'abus de langage, anthropocentrisme, approximations et généralisations abusives, voire imposture intellectuelle. Cet ouvrage entend dépassionner le débat, grâce à une approche pluridisciplinaire, et en distinguant les faits des hypothèses, les savoirs avérés des discours plus superficiels. Tous les articles ne se valent pas mais plusieurs sont d'un réel intérêt.
Par exemple, Jacques Tassin (écologue) montre que les capacités d'échanges entre plantes ne sont que le résultat mécanique des longs processus évolutionnistes de sélection naturelle. Aucune conscience spécifique n'est en jeu, mais seulement des phénomènes adaptatifs, inlassablement répétés, qui ont doté chaque spécimen de réponses à son milieu et à ses congénères. Pas de mémoire donc, ni d'opérations mnésiques, mais des chaînes de réactions biochimiques, mécaniques ou électriques, et un nombre limité de formes d'ajustement sensitif.
De son côté, Luciano Boi (mathématicien et philosophe) rappelle que la pousse et la structure des végétaux suivent des modèles logiques, mathématisables, mais que ces géométries morphologiques ne sont pas la preuve d'une raison ou d'une cognition. Elles résultent essentiellement de codes génétiques qui déterminent croissance et régénération, matrices physiologiques, symétrie et brisures de symétrie.
Marc-Williams Debono (neurobiologiste) réfute lui aussi l'idée d'une « intelligence des plantes ». Elles n'ont ni réflexions ni émotions mais, comme tous les êtres vivants, une activité bioélectrique interne (« électrome »), faite de réponses de leurs récepteurs membranaires aux variations de potentiel des stimuli électrogènes. Point de système nerveux donc, ni de cerveau, mais des capteurs largement répartis et synchronisés.
Au total, les auteurs refusent de prêter au végétal des « dispositions mentales subtiles ». Ils réfutent la « pseudoscience séduisante » en train de s'emparer de telles questions. S'il existe bel et bien une sensibilité des plantes, elles n'ont pas de système cérébrocentré et encore moins de sentiments, de volontés et de souhaits de communiquer. Elles sont le résultat de millions d'années de plasticicité adaptative et aucune nouvelle énigme ne se cache dans ou derrière la nature. La salade et le ficus ne pensent pas : ce sont principalement nos représentations du monde qui évoluent.
Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Hermann
14:13 Publié dans 5. Fait porteur d'avenir, Environnement, Société | Lien permanent | Tags : botanique, adaptation, arbres, plantes | Imprimer | |
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