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16/03/2020

De nouvelles opportunités pour l'extension de l'agriculture vers le Nord, mais à quel prix pour l'environnement ?

D'après un récent article publié dans PLOS One par une équipe de chercheurs anglo-saxons, le changement climatique pourrait lever les contraintes bioclimatiques à la production de grandes cultures, dans les régions les plus septentrionales jusqu'ici peu favorables. Les auteurs ont simulé l'impact potentiel, après 2050, de cette extension des aires de production sur l'environnement.

Dans un premier temps, ils ont identifié les « frontières agricoles », définies comme les zones actuellement inadaptées aux grandes cultures, mais susceptibles de le devenir en raison du changement climatique. Pour ce faire, ils ont considéré des hypothèses portant sur les températures et les précipitations, tirées de 17 modèles climatiques globaux, pour deux niveaux de forçage radiatif (RCP 4.5 et RCP 8.5 du GIEC). Ces hypothèses ont ensuite été utilisées à l'échelle locale, dans trois modèles agronomiques différents dont les auteurs ont croisé les résultats. L'opération a été conduite sur l'ensemble des terres du globe. Il apparaît que le changement climatique pourrait accroître les surfaces actuellement cultivables, de 0,8 à 2,4 milliards d'hectares en 2060-2080. Les nouvelles aires de production, situées principalement au nord du Canada et de la Russie, seraient dans un premier temps (2040-2060) adaptées à la culture de la pomme de terre, du blé, du maïs et du soja.

Extension des zones de production possibles en grandes cultures en 2040-2060

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Source : PLOS One

Lecture : en bleu, les aires dans lesquelles on passe de 0 à au moins une culture possible ; en rouge, celles passant d'une culture possible à deux ou plus (zone d'intensification) ; en gris, celles pour lesquelles la situation reste inchangée. L'intensité de la couleur (bleue ou rouge) varie selon le scénario climatique, dans le cadre d'un forçage radiatif RCP 8.5.

Les auteurs ont ensuite évalué les impacts d'une mise en production sur la biodiversité, la qualité de l'eau et le carbone stocké dans les sols. Si toutes les zones potentielles étaient cultivées, le travail des sols conduirait à relâcher dans l'atmosphère, dans les cinq années suivant la mise en culture, un maximum de 177 Gt de carbone (soit 119 fois les émissions annuelles actuelles des États-Unis). D'importants hotspots de biodiversité seraient également touchés, dans les régions nordiques et dans les zones de montagne (Himalaya, Andes notamment). Enfin, les effets de l'agriculture sur la qualité de l'eau pourraient affecter beaucoup d'habitants de ces régions.

En conclusion, ils invitent à ce que les initiatives menées pour étendre les aires de production, par exemple au Canada ou en Russie, tiennent compte des risques environnementaux encourus. Ils notent d'ailleurs que beaucoup de ces terres, jusqu'ici non cultivées, se situent sur les territoires de peuples autochtones, qui devraient être associés à leur exploitation.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : PLOS One

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