10/05/2013
Rapport de la Cour des comptes de l'Union européenne (CCUE) sur les aides aux IAA dans le 2nd pilier
L'aide de l'UE aux industries agroalimentaires (IAA) a-t-elle permis de manière efficace et efficiente d'accroître la valeur ajoutée des produits agricoles ? C'est le titre du rapport que la Cour européenne des comptes vient de publier à propos de la mesure dite « 123 A » du 2nd pilier de la PAC. La France (en particulier la région Rhône-Alpes) a fait partie des 6 programmes de développement rural audités à cet effet, avec l'Espagne, l'Italie, la Lituanie, le Portugal et la Roumanie.
Les conclusions sont sévères comme en témoigne le titre du communiqué de presse des auditeurs intitulé « Aucune preuve d’accroissement de la valeur ajoutée ». Entre 2007 et 2013, 9 milliards d'euros de subventions publiques, dont 5,6 de l'Union européenne (les compléments sont des financements nationaux) ont été versés aux industries agroalimentaires dans le cadre de cette mesure. Ces aides, qui s'inscrivent dans l'axe 1 des programmes de développement rural (amélioration de la compétitivité de l'espace agricole et forestier), font partie de l'un des deux dispositifs de la mesure « 123 » intitulée « accroissement de la valeur ajoutée des produits agricoles et forestiers ».
La Cour des comptes émet en premier lieu des critiques quant à la logique d'action de cette mesure. Au niveau communautaire, il n'est pas précisé comment une aide aux investissements des IAA peut avoir des effets sur la valeur ajoutée des produits agricoles et des retombées sur la compétitivité de l'agriculture. Ceci est d'autant plus flou que l'obligation de s'assurer que les producteurs bénéficient de ces aides publiques a été supprimée. À l'échelle des États membres, la logique d'action n'est pas plus détaillée, avec des aides peu ciblées, conduisant surtout à améliorer la situation financière des acteurs aidés.
Selon les auditeurs, les projets aidés ne sont pas nécessairement ceux qui donnent les meilleurs résultats et les critères de sélection des bénéficiaires sont trop souples. Pour la région Rhône-Alpes, on lit ainsi dans le rapport : « le Conseil régional et/ou le Conseil municipal prennent en charge la part nationale du cofinancement. Le Conseil régional évalue les projets au regard de ses propres objectifs, c’est-à-dire régionaux, et rejette ceux qui n’obtiennent pas la note minimale fixée. Toutefois, les projets non retenus ont quand même bénéficié d’un financement de l’UE, mais par l’intermédiaire du Conseil municipal, qui n’applique pas de système de sélection formel et qui leur a accordé le cofinancement.»
Du fait de ce manque de ciblage, des effets d'aubaine existent : des investissements aidés auraient été réalisés sans même qu'il y ait intervention publique. La CCUE critique par ailleurs le manque de rigueur dans les dispositifs de suivi et d'évaluation de la mesure. Le dispositif de contrôle ne permet pas de s'assurer que seuls des projets viables sont financés. Les données de suivi sont le plus souvent limitées, contraignant de ce fait la portée des rapports d'évaluation à mi-parcours, dont les jugements quant à l'efficience des soutiens reposent davantage sur des arguments théoriques que des informations tangibles.
La CCUE formule une série de recommandations visant à améliorer l'efficience et l'efficacité de ces soutiens : définir des objectifs plus précis, mesurables ; être plus sélectif dans les critères de financement des projets, et améliorer le cadre commun de suivi et d'évaluation.
Au-delà du contenu de ce rapport de la Cour des Comptes, la mesure 123 A amène à différents questionnements (voir la Note d'Analyse n°48 du CEP sur le sujet), dont celui, en particulier, des articulations entre politiques d'aménagement du territoire, politiques intégrées de filière et politiques industrielles.
Marie-Sophie Dedieu, Centre d'études et de prospective
Sources :
- Le rapport spécial de la Cour des Comptes n°1/2013
http://eca.europa.eu/portal/page/portal/publications/audi...
- La Note d'analyse du CEP n°48, Second pilier et soutien aux investissements des industries agroalimentaires : entre rupture et continuité, juin 2012 http://agriculture.gouv.fr/notes-d-analyse
15:10 Publié dans 2. Evaluation, 4. Politiques publiques, IAA | Lien permanent | Imprimer | |
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