Les relations sociales et le capital culturel, facteurs clés du développement agricole néo-calédonien (09/02/2021)
Les recherches sur le « développement durable » portent souvent sur ses dimensions économique et environnementale. Plus rares sont celles qui intègrent le pilier social (capital culturel, relations interindividuelles, normes et valeurs). Un article publié très récemment dans Ecological Economics, mais qui s'appuie sur des données assez anciennes, se concentre sur les effets de ces capitaux social et culturel sur la performance et la durabilité de l’agriculture tribale kanak. En 2010, celle-ci pesait 65 millions d’euros, la majorité de la production (igname, banane, taro) étant destinée à l’autoconsommation ou à des dons coutumiers.
Partant d’une enquête par questionnaire (2011) sur la production agricole et ses usages marchands et non marchands au sein de 288 des 340 tribus de Nouvelle-Calédonie, les auteurs ont élaboré deux modèles mobilisant principalement trois variables : i) la valeur marchande de la production agricole, ii) celle des dons alimentaires d’une famille à des tiers tout au long de l’année (proxy du capital social) et iii) celle des cadeaux offerts au cours de cérémonies rituelles, considérée comme un proxy des habitudes culturelles.
Plusieurs résultats ressortent de l’étude. En premier lieu, les échanges quotidiens de denrées ont un effet positif sur les productions et rendements agricoles. Toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de 10 % de ce type de dons est associée à une hausse de la production de 4,6 %, la densité des relations sociales au sein des tribus stimulant la fonction productive. D'autre part, cette augmentation, rendue possible par des formes d’entraide pour réduire les effets des aléas climatiques ou accéder à des facilités bancaires, est supérieure à celle qui découle d’une extension de la surface cultivée, montrant ainsi que les différents types de capital ne sont pas interchangeables. Enfin, sont vérifiés les effets favorables des dons rituels sur le rendement tandis qu’une hausse de celui-ci favorise les dons journaliers.
Pour les auteurs, ces résultats ont au moins deux implications. Ils plaident en faveur de la théorie de la « durabilité forte », qui insiste sur la complémentarité des capitaux, au contraire de leur substituabilité dans l’approche néoclassique. En matière de politiques publiques, opposer a priori le développement économique à la coutume est hasardeux, les échanges non marchands pouvant stimuler les échanges économiques et la production de richesses.
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective
Source : Ecological Economics
19:30 | Lien permanent | Tags : capital social, capital immatériel, production agricole, durabilité, nouvelle-calédonie | Imprimer | |