Les animal studies : nature et culture dans les relations interspécifiques (14/10/2020)
La revue Zilsel consacre un dossier au rapport humain-animal et à sa conceptualisation par les sciences sociales. L'ambition commune aux chercheurs réunis ici est de dépasser les discours généralisants que peuvent tenir philosophes, psychologues et militants. Pour ce faire, ils proposent de mettre au centre de l'analyse l'observation des situations d'interaction interspécifiques. Ainsi, C. Mondémé (CNRS) critique le caractère artificiel des expérimentations de laboratoire pour mesurer l'intelligence animale, à partir d'observations, en situation naturelle, de séquences d'action ayant pour enjeu l'attribution d'une intentionnalité.
Un article de D. Guillo (CNRS) propose de ménager des ouvertures vers l'éthologie pour « établir sur des bases solides les modalités d'agentivité des animaux ». Il rappelle que la séparation dure entre nature et culture est en fait une invention récente des sciences sociales, datant seulement du milieu du XXe siècle. Par la suite, une recension par A. Doré et J. Michalon (Inrae et CNRS), d'un ouvrage récent du même D. Guillo, Les fondements oubliés de la culture (Seuil, 2019), pointe les limites de la convergence proposée par ce dernier. Celle-ci tient, selon eux, à une autre forme de généralisation abusive, celle du paradigme de l'interaction, conduisant à sous-estimer le rôle des institutions et des artefacts technologiques (voir aussi une note de lecture publiée précédemment dans La vie des idées par les mêmes auteurs).
S'attaquant à un autre type de discours généralistes, celui des philosophes-militants antispécistes et végans, J. Porcher (Inrae) s'intéresse quant à elle aux registres de justification de la viande in vitro, pour mettre en lumière un autre oublié du débat, le travail animal. Enfin, les politiques de conservation sont au cœur de l'article d'I. Arpin (Inrae) sur la gestion de la contamination, par la brucellose, des bouquetins du Bargy. L'auteure souligne combien la sociologie de l'innovation et les études féministes ont remis en cause les « frontières conceptuelles » entre humains et animaux sauvages, ainsi que « les manières classiques de conserver la nature ». Mais sa participation à une expertise de l'Anses, sur le cas des bouquetins, fournit des éléments pour relativiser ce débat. Fondée sur des conceptions « radicales » et « impraticables » des frontières, l'alternative initiale opposait abattage et protection totale de ces animaux : les connaissances produites ont permis d'en sortir et, en somme, de « séparer à bon escient ».
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Source : Zilsel
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