Dépossession foncière et stratégies d'acteurs en milieu rural (12/06/2019)
Le numéro 238 de la Revue internationale des études du développement (Institut d'études du développement de la Sorbonne), mis en ligne en mai 2019, traite de la dépossession foncière, en tant que perte totale ou partielle des droits d'usage pour les populations locales, dans divers territoires d’Afrique, d'Asie et d'Amérique latine. Il en appréhende la diversité des formes et des impacts, et en caractérise les acteurs, leurs logiques et leurs interactions. Les méthodes varient selon les articles : analyse des processus historiques, socio-économiques et politiques ; observations de terrain ; études de cas et enquêtes de terrain ; etc. Neuf des onze articles ont un rapport avec l'agriculture, traitant des mobilisations et contestations sociales (Mauritanie, Mozambique, Inde), des stratégies socio-politiques des acteurs, notamment étatiques (Tanzanie, Mozambique, Mexique, Guatemala, Honduras, île de La Réunion), et de la concurrence foncière avec d'autres activités (Pérou, Cambodge).
Ce numéro illustre la grande variété des processus de dépossession foncière dans le monde. Par exemple, l'analyse de la Tanzanie retrace l'évolution historique du rôle de l’État : la gestion du foncier contribue à sa consolidation, avec la mise en œuvre de politiques sur l'accès et la distribution des terres, dans un contexte d'évolution du socialisme au néolibéralisme. L'action publique est également abordée dans l'article consacré à La Réunion : selon les auteures, des politiques autrefois orientées vers la production de canne à sucre et l'irrigation, se tournent désormais vers le soutien aux efforts en faveur de l'environnement. Pour une partie des agriculteurs, dans l'incapacité de mettre en application ces nouvelles exigences, elles entraînent précarisation voire abandon des terres.
Des objectifs parfois divergents entre institutions internationales et organismes de coopération sont également mis en lumière, notamment entre protection de l'agriculture familiale (FAO) et promotion des politiques environnementales (PNUE). Ainsi, comme observé en Amérique centrale, les politiques de reforestation (REDD+), en restreignant l'accès à la terre des populations anciennement installées, peuvent aller à l'encontre du maintien des petits agriculteurs déjà marginalisés. Enfin, au niveau local, la consultation des populations peut contribuer à servir des intérêts particuliers dans des situations où le droit foncier est utilisable à des fins particulières et l’État peu présent, comme le montre l'exemple du Mozambique.
Hugo Berman, Centre d'études et de prospective
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