Une discipline internationale en matière de restrictions aux exportations (export bans) serait freinée par l’asymétrie de la distribution statistique des prix agricoles (10/02/2015)
Dans un working paper récemment publié par le CEPII, C. Gouel explore les conditions d’une éventuelle discipline internationale dans l’imposition unilatérale de mesures commerciales de protection contre les fortes variations de prix. À la différence de l’augmentation des droits de douane ou des subventions aux exportations, les mesures en question ne sont pas régulées par des dispositions de l’OMC. Cette asymétrie dans le traitement des mesures commerciales et cette lacune dans la discipline collective ont été souvent pointées, mais, en dépit des appels nombreux en ce sens, ce point n’a encore jamais été inscrit à l’agenda de l’OMC.
Faute de cadre contraignant à l’OMC, une discipline spontanée (self-inforcing trade agreement) émerge malgré tout des partenaires commerciaux pour réfréner leur intervention, discipline que l’auteur explique par la crainte pour chaque partenaire de voir la non-coopération ponctuelle tourner en guerre commerciale permanente. Ce sont les conditions de cette discipline collective qu’analyse l’auteur dans un travail résolument théorique mêlant équilibre partiel, théorie des jeux et simulations numériques.
C. Gouel explore le cas théorique de deux pays (l’un exportateur, l’autre importateur) en interaction stratégique pour l’échange des surplus de l’un vers l’autre, et confirme bien l’effet sous-optimal (par rapport à la solution de libre échange) de l’équilibre correspondant à cette interaction stratégique : restriction des échanges, perte globale pour les deux économies cumulées et volatilité accrue du prix mondial. Sous conditions, la perspective d’interactions futures empêche toutefois cet équilibre sous-optimal de survenir à chaque période, rendant possible la situation de libre-échange. Selon l’auteur, la coopération « spontanée » rendue possible par l’arbitrage de chaque pays entre les considérations présentes et futures, réduit la volatilité des prix mais seulement pour les chocs de faible ampleur.
L’auteur s’intéresse aussi aux conséquences de l’asymétrie des distributions de prix agricoles, les prix bas (inférieurs à la moyenne) étant plus fréquents que les prix hauts, mais les pics de prix plus probables que les fortes chutes. Cette asymétrie dans les distributions de prix fait que, globalement, les pays exportateurs sont davantage incités à rompre la coopération bilatérale pour agir en cas de forte hausse des prix.
Bien que théorique, ce travail apporte des clés de compréhension des stratégies des acteurs qui doivent arbitrer entre considérations commerciales et de stabilisation domestique, entre coopération et unilatéralisme. Il éclaire aussi les raisons qui font qu’un accord à l’OMC pour réduire les droits de douane est plus facilement envisageable qu’un accord pour prévenir les restrictions aux exportations.
Pierre Claquin, Centre d'études et de prospective
Source : CEPII
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