Le triomphe des graines, Thor Hanson (08/06/2017)

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Alors que l'humanité doit son alimentation et sa survie aux graines, nous finissons par ne plus les voir tant elles sont partout. Hanson veut réparer cette injustice en prononçant l'éloge des semences nourricières, dans un livre plein d'humour, de science et de passion. Sa prose, typiquement américaine, nous promène d'anecdotes en découvertes, des petites histoires de sa vie de chercheur à la grande histoire de l'évolution de la nature.

Hanson découpe son apologie en cinq chapitres, chacun étant consacré à une prouesse remarquable des graines. Premièrement, les graines nourrissent. Elles nourrissent d'abord le végétal en devenir : une graine, c'est "un bébé plante, dans une boîte, avec son déjeuner". Mais les graines nourrissent aussi les animaux et les humains, avec un bon apport calorique, et un lien attesté entre graminées et civilisation, puis entre développement et commerce céréalier, et sur les derniers siècles entre grains et paix sociale. En second lieu, les graines s'unissent. Avant elles, chez les végétaux à spores du Carbonifère, l'union des gènes parentaux, hasardeuse, était reléguée aux sols marécageux. Avec le climat plus sec du Permien, elle se produit à l'air libre, sur la plante mère elle-même, pour engendrer un fruit transportable, prêt à pousser. Innovation suprême : la dispersion du pollen élimine l'impératif ancien de présence d'eau.

Troisièmement, les graines résistent, avec une incroyable endurance. D'entreprenants botanistes ont réussi à faire germer des graines vieilles de 200 ans (Leucospermum), de 600 ans (balisier), de 1 300 ans (lotus d'Orient). Cette aptitude à la dormance fut vitale pour les hommes et leur agriculture. Aujourd'hui, les banques de semences se multiplient partout dans le monde, signe de la prise de conscience des menaces associées à la réduction de la biodiversité. Quatrièmement, les graines se défendent. Elles disposent de tout un arsenal de protection passive : coques épaisses et multicouches, formes résistantes aux chocs, bogues à piques, enveloppes ligneuses, cristaux résineux, etc. Elles déclenchent aussi des réactions chimiques pour repousser ou anéantir les agresseurs : alcaloïdes, strychnine, arsenic, insecticides, mais aussi goûts pimentés (capsaïcine) ou poivrés (pipérine), sans oublier la myristicine de la muscade. Si les graines n'avaient pas eu à lutter pour leur survie, notre cuisine serait aujourd'hui bien fade !

Enfin, les graines voyagent. Pour cela, elles se font belles et désirables, incorporées à des fruits colorés et odorants qui, dans leur merveilleuse variété, n'existent que pour servir leur fécondité. Le but est d'attirer le maximum de disséminateurs potentiels. L'écoulement des eaux ou les coups de vent sont d'autres bons moyens de transport, sur de plus longues distances. Cette adaptation au voyage accrut leur diversité et "leur donna accès à des habitats un peu partout sur la planète".

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Buchet-Chastel

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