Terre transmise. Histoires de passages de relais dans le monde agricole. Olivier Aubrée (08/04/2015)
La transmission d’une exploitation agricole est un moment déterminant, pour le cédant comme pour le repreneur, et sa réussite dépend de nombreux facteurs plus ou moins maîtrisables. C’est ce que montre cet ouvrage, composé de huit récits relatant des expériences de passages de relais entre générations. L’auteur a rencontré, en diverses régions de France, des agriculteurs et agricultrices auxquels il donne longuement la parole et dont il dresse des portraits vivants et sensibles. Les configurations sont diverses et les parcours très différents, faits de craintes et d’espoir, de démarches administratives et de soutiens affectifs, de volonté d’autonomie ou de recherche de parrainage, d’allers-retours entre ville et campagne. Ce que montrent ces histoires singulières, c’est que la transmission de terres, de bâtiments et d’équipements s’accompagne souvent, aussi, de la transmission de valeurs, de visions du métier, de projets de vie, de conceptions de la nature, de rapports à l’espace et au temps.
Mais au-delà de ces situations de reprise, restituées avec empathie, ce livre nous renseigne plus largement sur les manières d’agir et de penser du monde agricole d’aujourd’hui. La place croissante des femmes et l’élévation du niveau de formation sont bien décrites, ainsi que la volonté d’améliorer les conditions de travail et les modes de vie, le souhait d’être mieux compris par la société et de retrouver une marge de pouvoir sur les acteurs de la transformation et de la distribution. S’expriment également, au fil des portraits, une farouche volonté d’autonomie, de fortes tensions internes à la profession et une nette tendance, dans l’adversité, à intérioriser les contraintes et à faire de nécessité vertu.
On regrettera néanmoins que ce livre ne s’intéresse qu’à des transmissions-transitions se déroulant sur plusieurs années (et pas à des successions brusques) et, plus encore, qu’il ne présente que des cas de reprises réussies et heureuses, ne se traduisant pas par des agrandissements ou démembrements. Il est dommage aussi qu’il soit principalement centré sur des exploitations petites et moyennes, en agriculture biologique, avec des exploitants très impliqués dans des circuits de proximité et de la vente directe : autant de spécificités qui caractérisent une certaine agriculture, mais qui n’est pas toute l’agriculture, et qui ne représente donc pas tous les cas de transmission…
Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective
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